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Le miroir menteur

  • 13 oct.
  • 4 min de lecture

Camille était assise à la fenêtre de sa salle de classe vide, tapotant son stylo d'un air pensif. La journée enfin terminée, elle observait le soleil projeter de longues ombres sur la cour de récréation. Dehors, les enfants riaient et couraient, afin de rejoindre leurs parents à la sortie de l’établissement. Exceptionnellement, elle n’avait pas accompagné sa classe au préau, mais c’était probablement à cause de cette fameuse lourdeur familière qui lui oppressait la poitrine…


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En surface, Camille avait tout pour elle. À 28 ans, elle avait une famille aimante, des ami(es) fidèles et un travail gratifiant en tant qu'enseignante à l'école élémentaire. Cependant, derrière son sourire, elle cachait un secret douloureux : sa longue lutte face à l'anorexie mentale. Seuls ses parents étaient au courant et bien qu’elle les aimaient beaucoup, parfois, eux aussi faisaient des commentaires maladroits : sa mère lui disait « Mange un peu plus », son père ajoutait « Tu n'as pas l'air si mince que ça », ou « Tu sais que les top-modèles se privent de nourriture pour un salaire dérisoire ?! ».

Camille n'avait jamais osé exprimer la profondeur de l'impact émotionnel de leurs paroles sur elle, cela la plongeait davantage dans un sentiment d'incompréhension et de honte, même si elle supposait qu'ils étaient probablement préoccupés par son bien-être.


La culpabilité et l'auto-critique l’envahissaient. Malgré son désir ardent de guérison, l’embarras lié à son trouble la maintenait captive. Pour Camille, la guérison ne semblait n’être qu'un fantasme.

Cet après-midi-là, alors qu'elle s'apprêtait à rassembler ses affaires pour enfin rentrer chez elle, sa collègue Émilie frappa à sa porte.

« As-tu une minute Camille ? » Demanda-t-elle, d’un air nerveux.

« Bien sûr », répondit Camille en lui faisant signe de s’asseoir au bureau d’un de ses élèves.

Émilie soupira profondément, tandis que ses jambes tremblaient légèrement. « J'ai besoin de conseils. Je sais que tu es très douée avec les enfants sensibles et... eh bien, je ne sais pas à qui d'autre en parler ». Elle avoua : « Ma fille Sarah, qui a eu 16 ans la semaine dernière, a des habitudes alimentaires qui me préoccupent. Elle saute des repas, évite les dîners en famille et fait beaucoup trop de sport. Je suis si inquiète. J’ai remarqué tout ça parce que ça me rappelle ma propre adolescence, mais je ne sais pas comment l'aider sans qu’elle ne s’éloigne ou ne se renferme comme je faisais avec ma propre mère. »


Camille tournait nerveusement une mèche de cheveux, tout en prêtant une oreille attentive. Pendant des années, elle avait caché ses souffrances aux personnes qu’elle côtoyait au quotidien, craignant le jugement et la confusion qu'elle rencontrait bien trop souvent. Néanmoins, la peine perceptible dans les yeux d’Émilie avait réveillé quelque chose en elle.


« Émilie, je n'en ai jamais parlé à personne ici, mais je pense que je peux comprendre ce que ta fille traverse ». Elle hésita, puis poursuivit : « Je souffre d’anorexie depuis des années. Je suis passée par toutes les étapes : la peur, la honte, les secrets, les comportements compensatoires… pratiquement tout ».

Les yeux d’Émilie semblaient larmoyants, mais sans reflet de pitié ou de jugement à cet instant. « Oh, Camille, je suis vraiment désolée. Je n'en avais aucune idée. »

Camille acquiesça : « Ce n'est pas facile à mentionner, mais j’aimerais bien essayer d’aider ta fille. Peut-être qu'elle se sentirait plus à l'aise en échangeant avec quelqu'un qui vit déjà cela et qui a reçu de nombreux outils utiles à travers les années. Et hop! Je parle de moi à la troisième personne rires. Le fait de connaître tes propres difficultés pourrait vous rapprocher toutes les deux également, mais si tu n’es pas prête à partager ton expérience pour le moment, c’est aussi OK. »

Émilie traversa la classe et prit Camille dans ses bras pour une brève étreinte. « Je pense qu'elle ça lui plairait beaucoup. Et, honnêtement, moi aussi. »


Les semaines suivantes, Camille passa du temps avec Audrey, la fille d’Émilie. Elles discutaient des normes physiques influencées par la pression sociale, du contrôle qu’on souhaiterait avoir et du déclin de l'estime de soi.

Camille abordait ouvertement ses difficultés, maintenant non pas avec gêne, mais avec douceur et bienveillance. Peu à peu, elle commençait à ressentir une partie de cette douceur et de cette bienveillance intérieurement.

Aider Audrey donnait à Camille une nouvelle perspective sur l’évolution de son Trouble des Conduites Alimentaires. Au fur et à mesure qu'Audrey avançait, Camille faisait aussi de grands pas de son côté. La honte qui la tenait captive depuis si longtemps, commençait à relâcher son emprise. Camille sentait une lueur d’espoir bien plus forte qu’avant, venant remplacer cette fameuse lourdeur familière qui lui oppressait la poitrine.

En dépit des obstacles rencontrés lorsqu'on souffre d'un TCA tel que l'anorexie mentale, il est crucial de prendre conscience que la progression de son état de santé ne repose pas sur l'atteinte de la perfection, mais sur la reconnaissance de sa propre valeur. Acquérir la discipline de veiller quotidiennement à son bien-être physique et mental représente une démarche significative.


Fin.

Merci pour ta lecture et à très vite.


Ce récit est une oeuvre de pure fiction. Par conséquent toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

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