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La revanche d’une victime

  • 13 oct.
  • 4 min de lecture
#TW

Le cœur de Sarah bat la chamade lorsqu'elle emprunte les escaliers étroits qui mènent au cabinet de la psychologue. Elle a 24 ans, est diplômée depuis deux ans et a un travail qu'elle adore à Paris. Elle sait que commencer une psychothérapie est une bonne solution, mais elle n'a pas l'intention de tout partager non plus. Il y a des parties de sa vie assez sombres et épineuses qu'elle préfère garder bien enfouies. Surtout, celles qui concernent Charlie Mars…


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Elle ouvre finalement la porte de la salle d’attente et détecte l'odeur apaisante et quelque peu suffocante de la lavande. Cela la ramena de suite à l’odeur de la bibliothèque du lycée où elle avait l'habitude de travailler aux temps périscolaires pour gagner un peu d’argent. L’assistante sociale de l’établissement lui avait rendu ce gros service et en tant que mineure, elle comprenait la délicatesse de cet acte. À vrai dire, sa vie n'était pas facile à l'époque. Entre l’alcoolisme de son père, dû à l’abandon brutal de sa mère et la responsabilité de s'occuper de son petit frère et de sa petite sœur, son adolescence était plus compliquée que la plupart des autres élèves. De plus, ce qui lui pesait énormément, c’était qu'elle n’arrivait toujours pas à oublier Charlie Mars.


Charlie Mars, la fille troublante aux yeux tristes qui avait transformé la dernière année de lycée de Sarah en cauchemar. Les tourments inexplicables, les blagues cruelles et les remarques constantes sur son travail à la bibliothèque ou sur ses tenues. Sarah ne comprenait pas pourquoi ça lui arrivait et elle passait trop de temps à ruminer dessus à son goût. Par chance, les résultats du baccalauréat n’avaient pas tardé et une fois en poche, elle avait fait ses valises et avait quitté Nice pour aller chez sa tante à Paris avec son frère et sa soeur sans hésiter.

Elle n'a jamais regardé en arrière. Du moins, jusqu’à aujourd'hui.


Lorsqu'elle s'installe dans le bureau de sa psy, elle se prépare à commencer par l'essentiel : le stress au travail, ses parents, son frère qui rentre au lycée à son tour, ses difficultés à faire confiance aux autres, etc. Toutefois, dès que sa psy, une femme d’une quarantaine d'années au sourire aimable, lui demande ce qui l’amène ici, Sarah sent son calme s’effriter.

Elle ouvre la bouche et avant même de s'en rendre compte, elle dit : « Charlie Mars ».

C'est comme une digue qui éclate. Elle raconte chaque échange, chaque ricanement, chaque demande de changement de place en classe, chaque nuit à se demander si elle mérite tout ça. Sa psy l'écoute sans jamais l'interrompre, laissant Sarah déverser les années de frustration et de ressentiment accumulé.

C'est étrange, presque libérateur, de tout dire à voix haute. À la fin de son récit, elle a l'impression d'être bien plus soulagée, confiante et excitée pour les séances prochaines.


Quarante-cinq minutes se sont écoulées en un éclair et lorsque Sarah quitte le cabinet, elle respire profondément, prête à profiter de la fin de sa journée. Malencontreusement, en entrant dans la salle d'attente, la légèreté ressentie encore il y a deux minutes s’effondre en un instant.

Là, assise dans la salle d’attente se trouve Charlie Mars.


Il faut un moment à Sarah pour comprendre ce qu'elle voit. Il s'agit bien de Charlie, mais elle semble si différente. Elle semble plus calme, avec des yeux plus doux — quoique toujours tristes apparemment. Charlie lève la tête et leurs regards se croisent. Sarah se fige. Elle a complètement oublié de mentionner à sa psy que Charlie lui a envoyé un long mail d’excuses il y a six mois. Elle veut détourner le regard, partir, mais quelque chose la paralyse.

Le visage de Charlie exprime un choc similaire. Ses lèvres s’entrouvrent comme pour dire quelque chose, mais elle baisse les yeux, clairement honteuse. Le silence entre elles est électrique, chargé d'années d’émotions et de blessures, mais aussi de quelque chose d'autre, comme de la curiosité ou de l’empathie ?

Enfin, Charlie parle, sa voix est à peine un murmure : « Sarah, je - j - je ne m’attendais pas à te voir ici. »

Sarah ne répond pas tout de suite, ne sachant pas quoi dire. Il y a trop de pensées qui saturent son cerveau. Elle n’a plus envie de demander à Charlie pourquoi lui a-t-elle fait subir tout ça au lycée. Pourtant c’est ce qu’elle prévoyait dans le rare cas où elle la croiserait. Juste un « POURQUOI ??? » assez agressif, mais bon, c’est inutile, car Charlie a déjà tout expliqué dans son mail.

Alors que la tension s’installe entre elles, Sarah sent une lueur de ce qu’elle cherche ici : La force de pardonner. De pardonner Charlie, son père et évidemment sa mère. C'est fragile, comme une fleur qui s'épanouit dans les climats les plus rudes, mais c’est là. Et peut-être, juste peut-être, est-ce le début du lâcher-prise.

Sarah lui répond juste : « Je m’excuse de ne pas avoir répondu à ton mail. »

La respiration tremblante, Charlie hoche la tête, et sans un mot de plus, Sarah se rassoit dans la salle d’attente, le cœur qui bat d'un sentiment de paix étrange et inconnu, mélangé à de la méfiance…


Fin.

Merci pour ta lecture et à très vite.


Ce récit est une oeuvre de pure fiction. Par conséquent toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

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