Procrastination : On t’aime !
- 15 oct.
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Stéphane s'adossa à sa chaise, fixant le canevas Photoshop vide sur son ordinateur portable. Son curseur clignotait dans le coin, le narguant. Ses notes étaient éparpillées sur son bureau avec des idées barrées, des slogans inachevés et des profils de couleurs assez sombres. Sa mission était de commercialiser une nouvelle marque de lait végétalien, mais pour le moment, ce n’était pas gagné.

Pourtant, le simple fait de penser à ce projet le faisait sourire, le design était vraiment sa passion. « Ça peut être la campagne qui lance mon agence », pensait-il souvent.
Pourtant, un mois s'était écoulé et la toile était toujours vierge.
Chaque jour suivait le même schéma. Il se levait tôt, déterminé. Il préparait son café, s'asseyait à son bureau, puis ouvrait son logiciel préféré. Le temps avait l’air de passer plus rapidement que d’habitude. Stéphane avait toujours sa main posée sur la souris de son ordinateur, mais il ne créait rien. D’ailleurs, il finissait souvent sur un jeu ou sur un site de streaming à regarder des mangas. Il griffonnait quelques titres et objets sur papier de temps en temps, mais rien ne lui convenait. Photoshop était là, mais il n’y touchait pas.
Il finissait toujours par tout fermer, plein de frustration et avec l'impression d'avoir passé toute la journée à déplacer son PC de son bureau, à la table de la cuisine, puis au canapé, et enfin à nouveau à son bureau.
Pour tenter de se ressaisir, Stéphane s’était débarrassé de toute distraction. Il avait cessé de sortir il y a des semaines, puis il avait supprimé ses applications de réseaux sociaux et il avait enfin commencé à méditer tous les matins.
« L'esprit reposé, pour un travail de qualité », se disait-il.
À son grand désarroi, chaque nuit se terminait de la même façon : la frustration et la culpabilité étaient devenues ses alliées et il n'y avait rien à en attendre.
Un soir, assis sur son canapé dans une position qui traduisait bien le stress qu’il ressentait physiquement et mentalement, Stéphane appela Julian, son meilleur ami.
« J’comprends pas Ju’ », marmonna Stéphane. « J'adore ce projet, mais je n’arrive pas à le commencer. C'est comme si j'avais peur de le gâcher, avant même qu'il ne soit hors de mon imagination ».
Julian fit une pause avant de répondre, « Pourquoi ne pas me montrer ce que tu as fait depuis des semaines, même si ce n’est pas grand-chose ? Tu pourrais aussi en parler à Nico et Emma, je sais que tu as confiance en leur jugement. Demande leur avis. Ça pourrait te décoincer ».
Stéphane grimaça, « Argh ! Je n'aime pas montrer des idées à moitié abouties, tu le sais ».
« Ouais, et ça, c’est une partie du problème », répondit son ami avec le tact nécessaire.
Le week-end suivant, un peu à contrecœur, Stéphane invita quelques amis proches chez lui. Il avait imprimé les quelques bouts d'idées qu'il avait, ainsi que des lignes griffonnées sur des feuilles gris clair et des planches de couleurs potentielles ; il avait même ouvert son écran vierge de Photoshop sur son ordinateur portable, afin de montrer son syndrome de la page blanche à son groupe d’amis. Il était embarrassé au plus haut point.
Néanmoins, à sa grande surprise, ses amis s’étaient penchés sur la question avec un réel intérêt et cela le fit sourire. « Ce n’est peut-être pas si surprenant que ça venant d’eux, ils sont géniaux et on se soutient tous ensemble », pensa Stéphane.
« Et si le slogan sautait plus aux yeux ? Tu en penses quoi ? », suggéra Emma.
« Oui, les couleurs sont trop discrètes. Pourquoi ne pas tenter quelque chose de plus vif ? Tu pourrais aussi rester dans l’univers du végétal pour les éléments qui figureront sur la brique de lait », renchérit Nico.
Les idées fusaient, les rires emplissaient la pièce et Stéphane se retrouvait à nouveau en mouvement. Emma lui avait demandé de lui expliquer une fonction de Photoshop et il s’était empressé de le faire, même si au fond de lui, il savait qu’elle avait verbalisé cette requête, uniquement dans le but qu’il touche enfin au logiciel. Après tout, tout le monde savait ajouter de l’ombre à une police.
Le lendemain matin, pour la première fois depuis des semaines, le canevas vide semblait moins intimidant et il l’imaginait même se remplir progressivement. C'était comme une nouvelle porte qui s’ouvrait.
D’un pas déterminé, Stéphane quitta son canapé, emmena son ordinateur à son bureau et intitula le fichier : Projet VM0001 Lait.
Il choisit un vecteur dans sa bibliothèque digitale, puis il commença à jouer avec le design. Progressivement, le canevas se remplissait de couleurs, de lettres qui sautaient aux yeux et d’éléments du domaine végétalien.
« Comme quoi… Demander de l’aide, c’est peut-être la solution à la procrastination, hein ! ».
Fin.
Merci pour ta lecture de Deux inconnues, une vie et à très vite.
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